Tiiiiiiiiiiiiiiiii
Tiens, la sonnerie vient de retentir. Le bruit fort et puissant de la sonnette te fait sursauter. Tu relèves ton nez de ton cahier de mathématiques, et fourres tes stylos dans ta trousse noire de jais. Tu passes une main dans tes cheveux écarlates en bataille, et avec soin, tu mets toutes tes affaires dans ta sacoche en cuir. Tout les élèves, à l'entente de la sonnerie, était partis à vive allure, comme s'ils étaient auparavant emprisonnés, et qu'on leur rendait leur liberté. Après un capharnaüm époustouflant, la salle retrouve son flegme doux et limpide. Le professeur, Mr Myst, un homme Callymèdien à la carrure plutôt carrée, range lui aussi ses outils de travail. Tu te lèves de ta chaise, et enfiles ta sacoche sans bruit. Tu commences à marcher lentement vers la sortie, lorsque tu perds l'équilibre, et te rattrapes difficilement à quelque chose. Ce n'est pas le mur auquel tu t'es accoudé, c'est ton professeur qui t'a rattrapé à temps. Il te jette un coup d'oeil bref, avant de te déclarer :
"Qu'y a-t-il depuis quelques temps déjà ? Votre cerveau est tellement embrumé que vous mélangez les chiffres. Vous étais mon meilleur élève Blaze, ressaisissez-vous. J'avais prévu de vous faire passer un concours, je suis déçu. Je vais demander à quelqu'un d'autre de le passer à votre place. Répondez. Que se passe-t-il ?"
Ton regard se brouille de larmes. Tu ne peux pas lui dire. Pas après qu'il t'ait dit que tu n'avais plus ta place au concours. Tu t'y es préparé en plus, tu as redoublé d'effort. Tu balbuties à grand peine :
"N-Non ! Vous ne pouvez pas me faire ça. S'il vous plaît, je serais meilleur. Je vous le promets. Ne gâchez pas ma chance de réussir. Je vous en supplie, monsieur ..."
Ton regard se pose sur ton professeur, qui, de son flegme imperturbable, te dévisage. Mr Myst te déclare :
"Ce qui est fait est fait Monsieur Kelehst. J'espère que vous m'avez compris, je ne le répéterais pas. Vous étiez brillant, mais ce temps-là est révolu maintenant. Partez."
Ta vue se brouille sous les sanglots écrasants. Tu t'en vas en courant, sans même saluer le professeur. Tu claques bien la porte derrière toi, avec une violence sans pareil. Ce n'aurait été que de toi-même, tu aurais déjà brûler le bâtiment tout entier. Tu te retrouves nez à nez avec une personne que tu ne reconnais que trop bien. Une lueur de peur dans les yeux, mais aussi de colère et de tristesse, tu observes ton harceleur te dévisager. Un ricanement s'échappe du sourire mesquin du jeune homme, qui s'empresse de te plaquer à un mur. Une sueur froide te coule dans le dos, ainsi que de chaudes larmes sur tes joues. Le ton glacial et tranchant du vil personnage te fige sur place :
"Alors, on chiale fillette ? Ô, pauvre de toi, tu t'es fait carrément éjecté de ta place au concours. Mais ne t'inquiète pas, avec moi inscrit à cette compétition, cette école est sûre de gagner, contrairement avec toi."
Tu tentes de te débattre, même si tu sais tes gestes désespérés. Il t'empoigne par le col, et te soulève du sol. Il articule mielleusement à la suite :
"Sois pas jaloux, t'es minable. J'aime pas comment tu me regardes, viens par là, tant qu'il n'y a pas de témoins."
Il te traîne avec une poigne violente, te portant quasiment jusqu'à un angle de la salle des casiers. Il te balance dans le coin sombre avec aucune douceur, et tes larmes affluent encore plus. Tu lâches un sanglot entre tes mâchoires, et l'autre ne trouve pas mieux que de ricaner. Tu te recroquevilles dans un coin, les yeux écarquillés d'une frousse hors du commun. Avec virulence, le jeune homme aux carrures de footballeur américain t'assène un puissant coup de pied dans l'estomac. Ton corps tout entier tressaille à ce contact douloureux, puis se rétracte. L'autre fait mine de chercher quelque chose dans ses poches, puis affiche une moue désolée avant de répliquer :
"Oh, désolé, j'ai oublié mon cutter à la maison. C'est dommage, j'aurais bien aimé raser ta tignasse rouge, tu aurais été tellement mignon. J'ai pas que ça a foutre, je me tire, et t'as intérêt à répéter à personne ta légère mésaventure. C'est compris, Mister Hippopotame ?"
A ces mots, tes sanglots redoublent. Pourquoi te traite-t-il de cet animal énorme ? Tu as pourtant bien maigri ... Maigri ? Toi ? Laisse moi rire, il a bien raison de te dire ça ! Comme toujours, tu cesses tes pensées pour faire signe à la voix qu'elle a raison. Une marque de respect pourrait-t-on dire. Le jeune homme t'adresse un sourire narquois, avant de partir, les mains dans les poches, sa cape toujours bien lisse flottant au vent. La douleur au ventre se transforme vite en crampe insupportable, qui te donne clairement la nausée. Soudain, tu aperçois une fille s'approcher. D'une voix claire, elle se posté devant toi et te dit :
" Ehh... Ça va ? Tu as besoin d'aide ? "
Une main sur ton ventre, un gémissement perçant à travers tes mâchoires serrées, tu dévisages ton interlocutrice. Ses longs cheveux noirs bouclés descendent en cascade sur ses épaules frêles. Ses yeux bleus lagons te transpercent avec douceur. Douceur ... Tu ne connais pas ce mot. Tu sais juste les mots de ton quotidien, violence, brutalité, souffrance. Tu prends une bouffée d'air qui te déchire les poumons après le coup que t'a donné l'autre. Tu articules avec difficulté, en un gémissement douloureux :
"Je vais tr-très bien. J-je n'ai pas besoin d'aide."
Tu es pris d'une quinte de toux. Maudit souffle, tu y as toujours été très sensible, voilà qu'il trahissait tes maux et paroles. Tu fermes les yeux dans l'espoir de trouver un peu de soutien du côté de la voix, mais elle s'est éteinte. Te voilà seul, seul avec cette fille et ta souffrance à l'estomac. Il ne t'avait pas loupé, la douleur est si vive, qu'elle te parcourt tout le corps. Forcément, quand on frappe un squelette ...